L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité.
Pablo Ruiz Picasso
Une locution latine comme titre d’un ouvrage traitant des arts mécaniques, objets de pouvoir, n’est-ce pas incongru ? Si Deus Ex Machina désigne communément un dénouement opportun ou la personne qui en est la cause, le théâtre grec[1] usait déjà de cette formule pour désigner un mécanisme servant à introduire un ressort divin et ainsi trouver une issue à une situation qui n’en comportait point.
La juxtaposition même des mots mécanisme, ressort et divin justifie à elle seule, s’il en est besoin, un tel choix et souligne l’origine magique de ces merveilleux produits du génie humain.
En effet, pendant les années que j’ai passées au service de ces fascinantes machines -ces créations techniques qui peuvent relever de l’invention la plus délirante, dans la gratuité du leurre -celui de la vie même- ou s’affirmer comme l’expression achevée ou parfaite de l’abstraction la plus haute, philosophique et scientifique [2]- j’ai toujours été surpris du contexte dans lequel évoluaient nos interlocuteurs, leurs envies a priori inexpliquées de ces machines désuètes, leurs réactions quelquefois puériles, souvent émouvantes, toujours passionnées.
L’effroi ou le rejet de certains, l’émerveillement et l’attirance des autres procédaient de la même ferveur magico-religieuse et trouvaient leurs racines dans une mythologie qui nous dépassait. J’ai, dans un premier temps, voulu en savoir plus et à travers les œuvres de différentes époques, comprendre les raisons de cet engouement particulier qui a touché les grands du monde comme toutes les couches de la société.
Au fur et à mesure de mes tribulations dans les spirales de ce maelström s’élargissant sans cesse dans la profondeur, jusqu’au vertige[3], il m’est apparu nécessaire de compléter ma recherche en analysant l’ensemble des Ars Mechanica mythiques ou historiques et en les comparant aux autres formes artistiques de l’activité humaine.
[1] από μηχανής θεός - apo mekhanes theos.
[2] Jean-Claude Beaune, L’Automate et ses mobiles, Flammarion, 1980, p. 9.
[3] Julien Gracq, Un Beau ténébreux, éd. Corti, Paris, 1945, p. 59.