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scribe accroupi

 

Bien loin de Saqqarah, réside au Louvre l’effigie d’un haut dignitaire de l’époque des grandes pyramides. Réalisée entre 2700 et 2350 avant J.-C., cette statue d’un Scribe accroupi[1], s’avère être remarquable à plus d’un titre. Mystérieux et anonyme, le calame en attente de dictée, ce portrait de calcaire polychrome nous contemple : Lœil, grand et bien ouvert, doit une vivacité particulière à une fraude ingénieuse de l’artisan antique. L’orbite de pierre qui l’enchâsse a été évidé, et le creux rempli par un assemblage d’émail blanc et noir ; une monture en bronze accuse le rebord des paupières, tandis qu’un petit clou d’argent, placé au fond de la prunelle, reçoit la lumière, et, la renvoyant, simule l’éclair d’un regard véritable.[2]

 

scribe accroupi 01

 

Peu importe que l’artifice dont parle Maspero s’avère être en fait une incrustation de cristal de roche dans de la magnésite blanche veinée de rouge, la prunelle brille d’une vie intense depuis 4500 ans.

Mais pourquoi use-t-on de tels simulacres dans la vallée du Nil, aux balbutiements de la protohistoire ? 

Les égyptologues se sont étonnés de trouver au plus profond des chambres mortuaires de l’Ancien Empire, dans les tombeaux du plus précieux au plus simple, du mobilier, des objets de la vie courante et de la nourriture, et une, voire plusieurs effigies reconnues finalement comme étant celles du défunt. Quel pouvait bien être la signification ou le rôle de ces œuvres celées au regard des vivants, enfouies, ensablées, nous contemplant du bas de quelques millénaires ? …

Que ce soit dans les civilisations anciennes ou les civilisations modernes dites primitives, l’âme n’est pas conçue comme une abstraction, mais plutôt comme une chose matérielle et concrète ayant une forme définie, la plupart du temps celle du corps dont elle est une réplique éthérée[3]. À travers le travail de James George Frazer [4], que nous avons déjà évoqué plus haut, nous constatons à quel point ces représentations sont répandues à toutes les époques, chez la plupart des peuples.

Mais il faut attendre la communication de Gaston Maspero[5] au Congrès des Orientalistes de Lyon, en 1878, sur les chaouabti, pour comprendre que ces statues funéraires servent de support au ka, que ce second exemplaire du corps humain, ce double un peu moins dense, est une variété d’âme[6], une projection du défunt.

 

Du moment que la statue est le support du double, la première condition à remplir pour que celui-ci puisse s’adapter aisément à son corps de pierre, c’est qu’elle reproduise, au moins sommairement, les proportions et les particularités du corps de chair[7].

Corolaire, l’extériorisation prolongée voire définitive de l’âme, entraîne inéluctablement la mort. Un bon moyen de se débarrasser de ses ennemis !

 

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[1] Musée du Louvre – Dpt des Antiquités égyptiennes, Aile Sully, 1er et., Salle 22, N° d’Inv. E 3023.

[2] Gaston Maspéro, L’Archéologie Égyptienne, Quantin Éd., Paris, 1887, p.183.

[3] M.-C. Weynants-Ronday, Les statues vivantes - Introduction à l’étude des statues égyptiennes, Fondation égyptologique Reine Elisabeth, Bruxelles, 1926, p. 63.

[4] James George Frazer, the Golden Bough – A Study in Magic and Religion, 3rd éd., McMillan, London, 1911-1915, 12 vol 8°. Le Rameau d’Or [Trad. Elisabeth Grove] librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1923.

[5]Égyptologue né en 1846, † en 1916. Nous lui devons la découverte du complexe funéraire de Deir el-Bahari, les travaux de désensablement du Sphinx de Gizeh et une littérature abondante sur le sujet.

[6] Une longue dispute a opposé Gaston Maspero à un certain nombre d’égyptologues au sujet du Ka. Celle-ci peut se conclure en traduisant ka par âme, conscience, caractère, personnalité, être psychique sont les acceptions les plus proposées, mais le terme âme est sans nul doute celui qui contient toutes leurs particularités, selon le contexte. Lire à ce propos M.-C. Weynants-Ronday, Les statues vivantes - Introduction à l’étude des statues égyptiennes, Fondation égyptologique Reine Elisabeth, Bruxelles, 1926, p. 171.

[7] Gaston Maspéro, L’Archéologie Égyptienne, Quantin Éd., Paris, 1887, p.181.

 

 

 

 

 

 

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